vendredi 10 août 2012

Intermède in Gayndah


Comme je l'ai mentionné dans mon dernier blog, nous étions à Gayndah depuis la fin mars. À l'entrée du village, il y a un panneau où on peut lire: "Welcome in Gayndah, oldest town in Queensland". Lorsque nous y sommes arrivés, Gayndah était plein à craquer. Pas moyen de trouver une place de disponible dans un camping, motel ou hôtel. Pourtant, en considérant l'étendue du village (environ 1800 habitants), c'est pas les accomodations qui manquent: 2 terrains de camping, 3 motels, 3 hôtels. Néanmoins, tout était plein. Lorsqu'on demande à la propriétaire d'un des campings la raison de cet achalandage, elle nous répond: «Vous ne le savez pas encore? Gayndah c'est comme Londres ou Paris... Nah, c'est la saison des mandarines qui commence.»  Ah ben ouais... C'est pour ça que nous nous trouvions également là après tout ce chemin...  De toute évidence, nous n'étions pas les seuls.  On parle un peu avec la dame du camping, elle nous dit que toutes ses cabines, caravanes et terrains de tente sont occupés pour la nuit, mais que malgré sa liste de gens en attente, parce qu'on a de bonnes bouilles (j'ose assumer), si on se présente tôt le lendemain matin, une des caravanes devrait se libérer. D'accord, mais ouesqu'on allait passer la nuit asteure?? Le gros problème avec Gayndah, c'est qu'il n'y a RIEN à 150 km à la ronde. Heureusement, il y avait un rest area à l'entrée du village (avec des douches chaudes!) et c'est à cet endroit que nous avons passé notre première nuit à Gayndah.  Nous nous sommes représentés au camping tôt le lendemain et comme prévu, on nous a offert de louer une des caravanes, la plus vieille et la plus laide de toutes. À ce moment, c'est tout ce qu'y nous était offert à Gayndah comme accomodations abordables, autre que de s'installer à l'autre terrain de camping, qui ressemblait à Woodstock en Beauce.  Nous avons décidé de louer la caravane pour une semaine, le temps de se trouver un boulot sur une ferme. La caravane tombait en morceau et tout était retenu avec du duct tape. Au moins on avait notre propre lit... Après une semaine à dormir sur la route dans notre petite tente (dont une fois dans le désert parmi les scorpions), il s'agissait tout de même d'une hausse de confort appréciable.  Cette même journée, nous avons téléphoné à la propriétaire de la ferme d'agrumes dont nos camarades Français nous avaient refilé le contact. Le temps de se présenter au téléphone, de faire vérifier nos visas de travail, de remplir des formulaires et de se taper la lecture (en diagonale je l'avoue) du livret sur la sécurité au travail (qui était plutôt épais pour la nature du boulot en question), nous étions engagés comme cueilleurs et commencions 2 jours plus tard. Yesss! On ne pouvait s'imaginer mieux comme scénario.



Nos boss, un couple dans la fin soixantaine étaient en fait propriétaires de 2 fermes d'agrumes, "Beyenda" et "Top Citrus", ainsi que d'un "packing house". C'était une grande terre où étaient cultivés des citrons, des oranges, des pamplemousses et des mandarines en majorité.  On nous avait envoyé travailler sur la ferme de Top Citrus, qui était supervisée par le fils des propriétaires, Matt. Nos boss s'avéraient être très sérieux, structurés et sévères. En fait LA propriétaire était particulièrement bête, à la limite de la mésadaptation sociale, à l'exception des partys où on s'étonnait à la voir sourire et rire.  Heureusement pour nous, leur fils de 24 ans, s'avérait être plus sympathique et easy going, tout en étant un super fermier et patron. Nous avons donc atteri sur la bonne ferme! Durant nos premiers jours, nous avons cueilli des citrons. Le picking de citrons est certainement le plus chiant parmi les agrumes. Tout d'abord, il faut attendre les heures chaudes de la journée, car s'il ne fait pas suffisamment chaud lorsque le fruit est cueilli, la peau est propice à faire des bruises, c'est-à-dire des ecchymoses de citrons. Ainsi nous ne commmencions pas avant 10h ou 11h, juste avant le climax de température de la journée. Il faisait encore très chaud à cette période (début avril). Des fois, il fallait attendre 20-30 minutes car le citron n'était pas encore au point (il n'en a pas l'air, mais c'est capricieux un citron). Puis une fois que le OK était donné, nous rencontrions les citrons et leurs proches et nombreuses amies: les épines... Certaines font jusqu'à 4 pouces de longueur! Heureusement, nous avions des gants de cuir fournis. Tout de même, malgré les gants de cuirs jusqu'aux coudes, la chemise à manches longues, les bas coupés enfilés jusqu'aux épaules pour faire une couches de plus, les pantalons longs, la casquette et les lunettes de soleil, les épines trouvaient quand même leur chemin pour m'agresser... J'ai terminé ma première journée en maudissant les citronniers et en rugissant: «J'haïs ça, j'en ai plein le cul!». Il y a aussi dans l'histoire les grosses araignées qui font leurs immenses toiles entre les arbres (en plein où il faut mettre l'échelle). Leurs toiles sont vraiment impressionnantes, certaines d'entres elles ressemblent à des prismes de formes variées. Dommage de massacrer ces oeuvres avec mon échelle... Autre fait sur les citrons, il est préférable de les cueillir lorsqu'ils sont verts dans l'arbre (ensuite ils passent 3 jours dans une chambre à gaz qui les font mûrir et devenir jaunes), ce qui rend la tâche de distinguer les fruits des feuilles pas toujours évidente. Les citronniers sont également très grands et touffus, leurs branches poussent comme de la mauvaise herbe. Bref, le picking de citron ce n'est pas une partie de plaisir. Heureusement, notre ferme nous les faisait cueillir en snapping (les détacher de la tige à la main, similairement à la méthode pour cueillir une pomme ou une poire) et non en snipping (en coupant le fruit de la tige avec des ciseaux) comme le font plusieurs autres fermes, ce qui rend la tâche encore plus chiante. Nous étions payés au rendement (au nombre de "bin" cueillies), ce qui signifie qu'il faut alors se retransformer en machine pour obtenir une bonne paie. Tous les petits gestes comptent. Ainsi, il est préférable de ne pas s'arrêter longtemps et souvent, de remplir son sac à sa capacité maximale pour limiter les voyages à la bin, de courrir à sa bin pour aller vider son sac, de prendre plusieurs fruits à la fois, d'avoir les yeux rivés sur les prochains fruits à cueillir tout en cueillant d'autres fruits, de ne pas hésiter avec son échelle. Bref, on se tue à la tâche, mais notre voyage en Asie nous donnait la motivation de le faire. D'autant plus, l'argent récoltée n'était pas mal, ce qui nous faisait passer au-delà des désagréments. Dans les citrons, nous étions payés entre 70 et 80$ la bin. Une bin fait environ 4 pieds cube. Dans une journée moyenne de 6 heures je pouvais faire entre 2 et 3 bins, ce qui n'est pas une mauvaise paie. Pour Christian c'était entre 4 et 5 bins, ce qui s'avère être une très bonne paie. Le deuxième avantage à cueillir des citrons: ça sent vraiment bon! L'odeur est encore meilleure que celle de votre détergent ou de votre savon à vaisselle.



 
En cueillant des citrons


La prosmicuité avec les grosses araignées est chose courante dans le picking d'agrumes


Puis, les mandarines ont suivi. Cueillir des mandarines implique la maîtrise d'une technique différente car le fruit doit être coupé de la tige avec des ciseaux. En fait, il est important que la pelure soit intacte afin que l'air ne soit pas en contact avec le fruit. J'avais déjà expérimenté l'utilisation des ciseaux durant mes 3 jours de picking de raisins, mais là c'était une tout autre histoire car il fallait aller chercher les fruits dans un arbre.  Heureusement, les arbres de mandarine s'avéraient être moins grands, moins denses et moins épineux que les citronniers. Il y a majoritairement 2 variétés de mandarine sur notre ferme et nous avons débuté par cueillir la variété "Imperial". Ici en Australie, on appelle ce fruit une «mandarine», tandis que par chez nous, au Québec, on appelle la mandarine "impériale" une clémentine. Connaissez-vous l'histoire de la petite mandarine? (clin d'oeil à mes anciens collègues de camp de jour) Durant la cueillette de mandarine, nous commencions vers 7h ou 8h a.m., dépendament du point de rosé, et finissions lorsque cela nous le disait. Pour ma part, c'était presque toujours au crépuscule, aux environ de 5h00- 5h30 (le soleil se couche tôt à cette période de l'année car c'est l'hiver qui arrive). Pour la mandarine impériale, nous étions payés entre 90$ et 105$ la bin. Au début de la saison, nous faisions du "size picking". Cela signifie qu'il fallait seulement cueillir les plus gros fruits et laisser dans l'arbre les fruits qui passaient dans le "size ring" (l'anneau qui nous était fourni pour la circonférence de référence). Puis, à un certain point nous arrivions au "strip picking", ce qui signifie littéralement déshabiller l'arbre, donc on cueille tout, ce qui rend la tâche plus excitante. En moyenne, je faisais 2 bins par jour dans la cueillette de la mandarine impériale, ce qui me satisfaisais au point de vue salarial. Je dois dire qu'une fois la corne aux mains formée, je prenais presque plaisir à la tâche... Oui un sac rempli de mandarines c'est lourd et oui les journées sont parfois longues, mais avec de la musique dans les oreilles, les kangourous qui "chill" dans le champ en fin de journée et en s'imaginant être un ninja avec des "clippers" pour se donner un peu de courage, les journées passaient généralement bien.

Notre lieu de travail durant quelques semaines
Un des perroquets qui se bourre la face dans les mandarines. Joli mais mauvais pour les fruits.


L'art de remplir une bin


L'art de remplir un sac

Après notre première semaine de travail, nous avons demandé à notre matrone si nous pouvions installer notre tente sur le campement de la ferme. Nous attendions impatiemment les supers accomodations de ferme à 3$ par jour dont nous avaient décrits les Français qui y avaient vécus l'année d'avant. La fermière a bien accepté de nous prendre comme locataires et nous a attribué un carré d'herbe pour y piquer notre tente, à 2 pieds de distances d'une caravane à l'arrière et d'une tente de chaque côté. L'intimité n'y était certainement pas, mais les accomodations décentes oui: une grande cuisine tout équipée en stainless, des salles de bain bien entretenues, des laveuses qui fonctionnent la majorité du temps, de grands frigidaires pouvant entreposer la nourriture de tous les campeurs, deux gros congélateurs, une place pour faire un feu. Wow! C'était sans aucun doute le meilleur campement de ferme que nous avions connu. À notre arrivée, il y avait beaucoup de personnes retraités qui vivaient sur le campement dans leurs caravanes tout équipées.  Ces personnes travaillaient majoritairement au packing house (où ce fait le tri et l'emballage des fruits). Il semble être courant en Australie pour les personnes retraitées de voyager au pays dans leur "campervan" et de s'arrêter le temps d'une saison de fruit pour du travail de ferme. Pour l'occasion, nous nous sommes acheté une super tente. Une grande tente avec deux pièces, qui nous procuraient amplement d'espace, même lorsque notre lit queen y était installé. Le gros confort! Nous avions l'intention de rester à cet endroit pour toute la saison des mandarines, soit 4 mois. Cela valait donc la peine de bien s'installer. La tente que nous avions acheté à notre arrivée en Australie était alors rendue en lambeaux, après 4 mois d'utilisation. Il faut dire que nous avions bouger souvent auparavant et que le soleil intense rend la vie difficile aux tentes. Il faut aussi dire que les trucs "made and owned in Australia" sont plutôt de piètre qualité (genre comparable aux trucs "made in China" mais en plus chers) et que presque tout porte cette mention ici. C'est sans animosité envers l'Australie que j'affirme cela, c'est seulement que tout ce que j'y ai acheté ne m'a servi que très peu de temps... Après 9 mois à avoir expérimenté la vie ici, à avoir acheté, puis jeté plusieurs trucs, je confirme le fait.


Ainsi, les deux premiers mois à Gayndah furent plutôt occupés, la majeure partie de nos journée étant consacrée à la cueillette de citrons, de mandarines et à quelques reprises des pamplemousses. La cueillette de pamplemousses nous excitait particulièrement car c'est avec ce fruit que nous avons été en mesure de faire nos journées les plus payantes de tout le picking d'agrumes et de tout les temps pour ma part. Bien que le picking de pamplemousse soit plutôt simple au niveau technique, c'est très demandant au niveau physique. En effet, puisque les fruits sont très gros, le sac se rempli très vite. Ainsi, il faut faire beaucoup de voyage à la bin pour transvider les fruits. Ainsi nous passions la majorité du temps à courrir. Mon record dans les pamplemousses: 7 bins en 4 heures, à 30$ la bin! Cueillir les pamplemousses est également difficile au niveau des mains, puisqu'il faut forcer les doigts écartés pour décrocher les fruits. Certains étaient si gros que je devais les cueillir à 2 mains. Après le picking de mandarine qui m'avait fait faire des callosités un peu partout à l'intérieur des mains en raison de l'utilisation répétitives des ciseaux, j'avais maintenant l'impression de m'élargir les mains avec le picking de pamplemousse. Je m'imaginais ressortir du picking d'agrumes avec mes nouvelles mains larges et cornues.


Grosseur moyenne des pamplemousses cueillis en général. De l'or ou presque.
 
Le plus beau avec le picking d'agrumes est l'accès aux mandarines et au pamplemousses frais (si bons!) ainsi que de faire du jus de fruits 100% naturel et fraîchement pressé. C'était un vrai plaisir.  Le campement était également très occupé durant les premiers temps, car il accueillait les cueilleurs de 3 fermes ainsi que les gens qui travaillaient au packing house. Bien que c'était parfois le fouilli lorsque venait le temps de se faire à manger, c'était agréable de faire la connaissance d'autres voyageurs. Toutefois, c'était moins agréable de passer à l'arrière de ceux qui ne se ramassaient pas, des garçons dans le début de la vingtaine pour la plupart, qui semblaient sortir tout droit des jupes de leurs mères. Certains en étaient à leurs premières expériences culinaires et la cuisine pouvait parfois devenir un massacre. Christian fut consacré «le papa du campement», étant la principale personne à démontrer aux petits gars comment se faire cuire des repas simples, comment se servir d'un torchon et à ramener l'ordre par rapport au ramassage et nettoyage. La ferme et le campement étaient à un bon 20 minutes de conduite de Gayndah en tant que telle. Gayndah renferme une unique épicerie, grande comme ma main (avant que je cueille des pamplemousses), qui ferme à 18h00 à tous les soir à l'exception du jeudi où elle ferme à 19h00. Considérant que durant le temps de la cueillette, la majorité des travailleurs de Gayndah  termine leurs journées aux alentours de 17h00-17h30, il me semble que la seule épicerie du coin aurait pu faire un effort de conciliation... mais non. En plus, elle augmente les prix de tout durant cette période... gang de pas fins! Ainsi, le temps de se rendre au village après notre journée de travail, c'était la folie durant les minutes précédant la fermeture de la maudite épicerie. Non seulement il fallait faire la bousculade parmi les nombreux autres backpackeurs, mais il manquait toujours de stock, immanquablement de pain. Ainsi, nous avons décidé de faire nos courses à Bundaberg, une grosse ville qui est située à 2 heures de route de Gayndah, une fois aux 3 semaines. Cela nous permettait plus de variété aux niveaux des produits alimentaires et surtout des produits à prix plus raisonnables. Ainsi nous faisions des provisions, notre campement nous permettant d'entreposer de la nourriture avec les gros congélateurs fournis et notre grande tente nous permettant d'entreposer le reste qui ne nécessitait pas être au froid. À la fin, nous étions pas mal habitués par rapport aux achats, à s'en méprendre avec les Australiens. Nous avions établis nos préférences par rapport aux produits (après plusieurs essais et erreurs) et on savait où les trouver (ALDI all the way). La mayonnaise toutefois nous a donné du fil à retordre. En effet, la bonne mayonnaise est rare en Australie (la Hellmann n'est pas vraiment distribuée) et presque toutes ont un goût de plastique. Il nous a fallu 8 mois pour en trouver une pas mal (vive le ALDI!). Puisque nous vivions à l'extérieure de Gayndah et tentions d'y limiter nos achats, nous avons passé peu de temps dans le village en tant que tel. Nous y allions par-ci par-là pour faire des achats essentiels et occasionnels et pour voir des amis. À cette époque nous étions quelques uns à représenter le Québec à Gayndah. Néanmoins c'était les Français (encore) et les Koréens qui représentaient la majorité des backpackeurs sur les lieux. Comme on peut s'y attendre, à Gayndah, il n'y a rien qui y vaut vraiment le détour. Il y a une énorme orange à l'entrée du village à l'air sympathique mais à part ça... Suite à mes observations, le hobby local # 1 semble être: se mettre saoul (pourrait également être le hobby national de l'Australie). Puis  vient le hobby #2 qui semble être: se battre saoul.

 

À l'entrée de Gayndah


Le bonheur de presser des agrumes et surtout de boire le jus

 
Rendus à la mi-mai, la saison des mandarines impériales s'est terminée et presque tout le monde s'est barré. Presque tout le monde sauf nous et 7 autres personnes sur le camp. La majorité des voyageurs ont pris la direction du Nord, là où il fait plus chaud. Faut pas les blâmer, les nuits étaient devenues presque glaciales rendu à cette période de l'année. La chaufrette était de mise. Pourquoi donc rester à Gayndah se geler les fesses? Parce qu'on nous avait offert de faire du "pruning", c'est-à-dire de la taille d'arbres sur la ferme de Top Citrus, jusqu'à la cueillette de la 2ième variété de mandarine, 6 semaines plus tard. C'est toujours un drôle de sentiment quand beaucoup de gens s'en vont du même coup, tous sauf nous qui restent dans ce trou.  «Mmmmooooooiiii aaaauuuusssssiiiii-iiii-ii j'veux partir!» Il fallait ravaler car notre focus était sur le travail pour par la suite se barrer en Asie. Néanmoins, nous étions bien installés sur ce super campement pas cher qui nous permettait de sauver de l'argent par rapport aux accomodations. Ainsi, nous avons débuté la taille d'arbre de citrons et je me suis mise à désirer le picking. Le pruning consiste à enlever les branches qui pourraient être nuisible au développement des fruits de la prochaine saison ainsi qu'à la cueillette de ces fruits. Comme j'ai déjà mentionné, les citronniers sont touffus et poussent très rapidement. Ainsi nous avions un bon défi pour débuter notre nouvelle vocation. La coupe des branches se fait à l'aide de sécateurs branchés sur un compresseur à air qui est installé sur un tracteur entre les rangées d'arbres. Grâce au compresseur à air, peu de force est nécessaire pour actionner le sécateur et couper les branches, même les grosses branches de l'arbre. Néanmois, tenir le sécateur durant 8 heures par jour et le tenir à bout de bras la majorité du temps est très difficile. Je m'en suis ressenti beaucoup physiquement, plus que le picking, tout fruits confondus. Suite à ma première semaine, je me suis retrouvée avec des engourdissements constants au niveau du pouce droit. Ceux-ci se sont résorbés une couple de semaines plus tard suite à un bon massage (Merci Angela! Une pickeuse invétérée et une excellente massothérapeute. Quelle chance d'avoir pu bénéficier de ses services à même notre campement, particulièrement dans un endroit tel Gayndah.). Puis, les crampes aux mains sont devenues une réalité quotidienne. C'est toujours surprenant et un peu inquiétant lorsqu'on se réveille et qu'on doit faire un effort de concentration pour  étendre complètement ses doigts pour la première fois de la journée... Le pruning était un travail payé à l'heure au salaire minimum, qui est passé de 19,07$ à 19,63$ durant notre passage. Il était convenu de travailler 40 heures/semaine, ce qui nous permettait d'avoir une certaine routine: 5 jours de travail et 2 jours de congé. Néanmoins le travail en tant que tel était redondant et peu intéressant. Nous avions un peu perdu le concept du travail payé à l'heure et cela nous semblait alors si ennuyant. Nous avions du mal à y trouver notre source de motivation. Les journées de 8 heures nous semblait atrocement longues. Heureusement, les mp3 existent. Après les citronniers, nous avons fait les arbres de pamplemousse, qui sont moins chiants à tailler, mais le niveau d'ennuie reste le même: élevé. Vivement le picking que nous attendions impatiemment. Durant cette période, la vie fut très tranquille. Nous avions peu à faire de nos soirées et de nos journées de congé. Je me suis adonner à un nouveau hobby: observer les oiseaux. Il y en avait plusieurs très jolis et colorés qui habitaient et survolaient aux alentours de notre campement. C'était un bel environnement relaxant en cette période, du fait qu'il y avait peu de gens occupant les lieux. Nous avons tenté de se faire amis avec les kookaburras (les oiseaux les plus cool au monde). En leur offrant de la viande, plus particulièrement du steak haché, c'était dans la poche. Il y avait même un d'entre eux qui venait chercher la viande directement dans notre main. J'ai également profiter de cette période pour reprendre un loisir que j'avais mis de côté depuis trop longtemps: la lecture. Nous avons également regardé beaucoup de film sur l'ordinateur (notre bibliothèque de films et téléséries est maintenant bien pourvue), ce qui m'a permis de reprendre le temps perdu à ce niveau et de voir des films que je n'avais jamais vus auparavant (coup de coeur perso pour Domino et Horton Hears a Who!, parus respectivement en 2005 et 2008). J'avais également amplement le temps de m'ennuyer... La vie était vraiment tranquille... parfois trop. Pour vous donner une idée, lors d'une de nos journées de congé, Chris me demande: «Qu'est-ce qu'on a à faire demain?» «2 brassées de lavage, de la sauce à spaghetti et ma coloration de cheveux...» que je lui répond.  Les deux: «Ouf! Grosse journée!».



 
Chris avec un sécateur à air


Au début du pruning avec le petit sécateur que j'ai par la suite troqué pour un grand en raison des grands arbres


Sur le tracteur durant le pruning


Un Kookaburra sur la porte de la valise de notre char.  On voit une partie de notre super tente à l'arrière.


Sur une note plus personnelle, entre temps, j'ai donné ma démission au centre de réadaptation où je travaillais avant d'initier cette aventure. C'était le seul moyen de me rendre au bout de ce voyage, le périple ayant été plus long que prévu au départ. J'avais amplement le temps de réfléchir à cette décision... pas que cela m'ait pris beaucoup de temps à trouver la réponse. Néanmoins l'insécurité a ralentit le temps de ma réponse officielle. Ce qui fut également long était la communication et se rendre au bout du processus, étant à l'autre bout du monde. Depuis le processus complété et ma démission confirmée, c'est un nouveau vent de liberté que je ressens et la sensation est merveilleuse! Une fois libérée de tout ce qui me retenait à ma vie "d'avant" (biens, emploi), j'ai maintenant l'occasion de penser plus clairement à des choses telles :« Qui suis-je moi?», «Où vais-je?», «Qu'est-ce qui m'intéresse?», «Qu'est-ce que j'aime faire dans la vie?» «Qu'est-ce qui me rend heureuse?».  Beaucoup de questions qui alimentent beaucoup d'idées...  Tant de possibilités!  J'ai maintenant soif d'opportunités.




Ciel spécial au crépuscule sur le campement de la ferme


Arbres sur le campement que nous avons surnommé «le couple de danseurs»


Pour revenir à nos mandarines, nous étions alors en plein coeur de l'hiver austral, qui s'étend de juin à août. Nous qui pensions s'échapper du temps froid et de tout ce qui portait le nom hiver... on nous a bien eu. Bien que l'hiver en Australie n'est rien de semblable à l'hiver québécois. En plein jour, la température surpasse les 20 degrés et on se croirait en une belle journée d'automne. Toutefois, quand le soleil disparait, il fait froid... presque frette. La nuit, la température se situe aux alentours de 0 degré et au matin il y a du gel au sol et de la glasse dans notre pare-brise de char (sans farce). Pour vivre dans une tente, la chaufrette est essentielle... deux c'est mieux (en ce qui nous concerne).



Au début juillet, le jour tant attendu fut enfin arrivé: la reprise du picking de mandarine. Cette fois-ci nous cueillions la variété "Murcott", qui sont les mandarines que nous avons tendance à appeler «mandarine» par chez nous. Elle sont plus grosses et ont plein de pépins. Les arbres ont également beaucoup plus d'épines que les arbres de mandarine "Imperial". Nous étions payés moins cher la bin (70$), mais celles-ci se remplissaient plus rapidement. En moyenne, j'en faisais 3 par jour. Nous avons connu un début de saison de "Murcotts" lent en raison d'une semaine presque complète de pluie. Si pluie il y a, picking il n'y a pas. Il y avait alors de nouveaux backpackeurs de passage sur la ferme, ce qui nous a ressorti de notre torpeur et a agrémenté nos derniers jours à Gayndah. Le picking s'est bien déroulé, mais il fut plus court que ce que nous nous attendions; à peine 10 jours. Je me suis même surprise à regretter la fin. Il faut croire que j'apprécie le picking de mandarines finalement... Par la suite, Matt, notre boss à Top Citrus, nous a proposé d'aller cueillir les mandarines de la ferme voisine, qui cherchait quelques cueilleurs. Il nous restait environ une semaine à occuper avant notre départ d'Australie et l'idée de quelques journées de picking supplémentaires nous plaisait davantage que l'idée de quelques jours de pruning pour finir. Ainsi, nous avons déménagé sur l'autre ferme, à peine à 2 minutes de voiture. Le campement était pourvu d'une grosse TV HD, ce qui nous a permis de visionner la première semaine des Jeux Olympiques de Londres. Néanmoins, regarder les JO en Australie est un peu frustrant car on ne voit que les disciplines où l'Australie a des chances de médailles et cela se résumait alors à la natation, à l'aviron et au hockey sur gazon (ce sport mérite d'être au JO???). Ainsi, nous avons manqué les disciplines les plus intéressantes à regarder (selon moi) et manquer quasi toutes les performances canadiennes. Pour ce qui était du picking de mandarines sur l'autre ferme, en gros ce n'était pas terrible.  On s'est rendu compte que nous étions réellement bien sur l'autre ferme, bien que nous le savions déjà. Puisque la qualité du picking se dégradait de jour en jour et que la superviseure devenait de plus en plus désagréable, nous avons décidé de cesser après 4 jours. Nous étions alors à 2 jours de notre départ de Gayndah, ce qui nous laissait tout juste assez de temps pour nous départir de nos biens accumulés durant les 9 derniers mois et de vendre notre char à un prix inespéré. Étonnamment, c'est avec un petit pincement au coeur que j'ai quitté Gayndah, après y avoir vécu plus de 4 mois. Bien que nous avons souvent attribué les mots «ennuyant», «chiant», «difficile» à notre temps passé à Gayndah, nous y avons également rencontré des gens en or et été témoin d'une nature charmante et généreuse. Ce fut certainement une belle expérience et j'en garderai de bons souvenirs, sachant que ce style de vie me manquera probablement dans un futur pas si lointain. Or, nous sommes bien contents de délaisser notre tente après 9 mois de camping. Chris m'a même confié le mois dernier qu'il rêvait d'une poignée de porte... c'est pour tout dire!

Du mont Debatable, on peut voir la beauté (bien cachée) de Gayndah

De Gayndah, nous avons rejoint Brisbane, la capitale du Queensland, afin d'y prendre l'avion pour Sydney. Nous y avons passé une journée ainsi qu'une nuit médiocre en raison des occupants fêtards et peu respectueux à l'hostel (Base x) où nous étions. Brisbane est une belle grande ville propre, mais possède peu d'attributs au point de vue culturel. Quant à Sydney, j'ai eu la chance de me réconcilier avec cette ville avant mon départ de l'Australie. Cette fois-ci, nous sommes tombés sur un bon petit hôtel beau, propre, sympa et pas trop cher. Il s'agit du Springfield Lodge si cela peut intéresser quelqu'un. Nous avons également eu la chance de visiter au-delà du quartier King Cross et j'affirme maintenant que Sydney est une bien belle ville. C'est  donc ainsi que se termine notre séjour en Australie. Un séjour riche en découvertes et en épreuves, au déroulement insoupçonné. Déroulement auquel je ne changerais rien. Inévitablement, plusieurs éléments propre à ce coin du monde me manqueront. L'omniprésence et la variété de la faune ainsi que de la nature évidemment; les kangourous, les kookaburras, les grands eucalyptus et les paysages de fous vus sur la route pour n'en nommer que quelques uns. Nous mettons enfin le cap sur l'Asie du Sud-Est. Destination tant attendue. Bien que notre plan soit peu élaboré cette fois-ci, nous avons sur notre liste: plongée sous-marine, retraite de yoga, randonnées, dentiste et tattoo pour Chris. Pour le reste, nous verrons ce que la vie mettra sur notre chemin. Nous débutons alors à Bali avec le sentiment d'avoir bien mérité ce temps de vacances.

La fameuse maison de l'opéra

Sydney le soir

C'est le temps des vacances!!